Sophrologie, corps et conscience, de quoi parle-t-on ?
- 27 janvier 2020
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Sur internet ou dans les media, les définitions de la sophrologie sont multiples et peu claires. La plupart du temps, la sophrologie y est définie par ses techniques ou les bénéfices de son emploi, rarement par ces concepts. Les efforts de simplification ou de vulgarisation ont l’avantage d’offrir au grand public une forme de témoignage qui envisage la sophrologie comme une autre voie possible en terme de développement personnel et de santé globale. Cependant, les aspects fondamentaux de la Sophrologie y sont aussi, le plus souvent, mal explicités ou absents.
Le créateur de la sophrologie Alfonso Caycédo avait pris soin non seulement d’élaborer un certain nombre de concepts théoriques mais également de proposer un cadre conceptuel, issu d’une démarche rigoureusement scientifique, à l’intérieur duquel se déploie la pratique de la sophrologie. Ainsi, les tentatives de définir la Sophrologie uniquement sur un plan pratique ne semblent pas être satisfaisantes tant elles font l’impasse sur sa dimension phénoménologique, épistémologique et axiologique. Sans vouloir apporter toutes les réponses, qu’en est-il du corps et de la conscience en sophrologie ? Quelques repères semblent nécessaires.
La conscience
Un retour aux sources paraît nécessaire tant la compréhension générale s’est éloignée des fondements de la Sophrologie. La conscience et les phénomènes de la conscience sont au cœur de le Sophrologie. Deux termes sont ainsi à notre portée pour comprendre de quoi il s’agit : d’une part la Conscience, dans sa définition actuelle la plus simplex, à savoir une « connaissance, intuitive ou réflexive immédiate, que chacun a de son existence et de celle du monde extérieur » et d’autre part, les phénomènes de la conscience qui, pour le cas particulier de la sophrologie renvoient à la phénoménologie, c’est-à-dire la branche de la philosophie qui a pour objet l’étude même de la conscience.
De nombreux auteurs actualisent la définition de la conscience par le biais de leur recherche scientifique notamment Antonio R. Damasio. La phénoménologie quant à elle et ce, depuis la fin de XIXé siècle avec des auteurs comme Martin Heidegger, Ludwig Binswanger ou Maurice Merleau-Ponty, cherche à témoigner de la richesse de l’expérience consciente du vivant dans une perspective philosophique. La Sophrologie propose de conjuguer ces définitions de la conscience pour les expérimenter sur le plan pratique au sein d’une méthodologie qui lui est propre et originale.
Le travail de la conscience en Sophrologie
Riche des apports de la phénoménologie et des approches scientifiques de la conscience, la sophrologie propose un travail sur la conscience et plus précisément sur le champ de la conscience. Le postulat théorique d’Alfonso Caycédo est que le champ de la conscience peut s’ouvrir ou encore se dévoiler. Rien de mystique ou d’ésotérique à ce propos, car par nature, notre conscience cherche à s’étendre. Tous les travaux menés à ce sujet reconnaissent à la conscience la capacité d’embrasser ce qui se présente à elle et de l’ajouter à une gigantesque base de données qui est l’expérience humaine. En d’autre mots, la conscience tend vers le monde et sa rencontre, révélant l’intentionnalité de sa nature.
Il s’agit donc pour la sophrologie de partir de cette nature, propre à la conscience, et de l’enrichir de nouvelles expériences. Cet enrichissement de la conscience participera à son élargissement et à son ouverture. C’est là un des grands principes de la Sophrologie.
Le primat du Corps en Sophrologie
La pratique de la sophrologie, dans sa progressivité, est en premier lieu un travail corporel et l’influence de Merleau-Ponty sur A. Caycedo est centrale. C’est par ce corps que s’offre notre présence au monde : « en tant que nous sommes au monde par notre corps, en tant que nous percevons le monde avec notre corps »¹. Dans la pratique, la mobilisation du corps, par ses mouvements ou sa respiration a une incidence physiologique bénéfique. Pour autant, l’enjeu ne se situe pas exclusivement à cet endroit. En mobilisant le corps, celui-ci produit des phénomènes dans la conscience et la conscience restitue de façon instantanée ces phénomènes au sujet. Cette mobilisation engage un travail qualifié d’intégration du schéma corporel.
La conscience a cette capacité de faire d’une perception corporelle et d’une conscience de celle-ci, un tout unifié, une présence à soi. Cette capacité de la conscience se manifeste dans notre vie de tous les jours. Le sportif du dimanche qui n’a pas pris le soin de s’entraîner avant une course aura lui aussi un certain nombre de phénomènes corporels portés à sa conscience, le renseignant sur son manque de condition physique. Ainsi, pour bien comprendre la sophrologie, il semble nécessaire de considérer son postulat de départ : un corps sensible, lieu de la vie et dont le champ de la conscience peut s’ouvrir et s’étendre. En prenant conscience de son corps, de son état, de ses lois physiologiques et de son potentiel, d’autres perspectives s’ouvrent.
Le corps est donc ce point de départ et sur un plan méthodologique A. Caycedo a choisi de l’inscrire dans le cycle fondamental, plaçant avant tout le travail de la corporalité comme une condition possible de l’ouverture de la conscience au monde. Par le monde de la perception et du sentir, la conscience peut s’ouvrir aux vécus du corps, redéfinir ses contours et permettre au sujet de se saisir de sa dimension existentielle.
Perspectives
Ces quelques notions feront l’objet d’apport complémentaires lors de prochains articles ouvrant, je l’espère, la voie à une meilleure compression des concepts fondamentaux de la sophrologie. Ces articles tenteront non seulement d’éclairer le grand public mais également de contribuer à une réflexion sur la pratique.
Mehdi AMINI
¹ Phénoménologie de la perception, M. Merleau-Ponty, op. cit., p. 239
Allez plus loin :
Patrick-André Chéné (2019), Sophrologie – Fondements et méthodologie Tome 1, ELLEBORE.
Merleau-Ponty M. (1976), Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard.
Nathalie Depraz (2011), Comprendre la phénoménologie, une pratique concrète, Cursus, Armand collin.
Découvrir, comprendre et s'initier à la Sophrologie
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Sophrologie et Phénoménologie. Maurice Merleau-Ponty (1908-1961)
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